Barques 1992
in illo tempore — Expression, centre d’exposition de Saint-Hyacinthe, Québec, Canada — Exposition duo avec Lyn Carter — Musée régional de la Côte-Nord, Sept-Îles, Québec, Canada — Exposition avec Pnina Gagnon et Gilles Morissette — Grande barque : structure métallique, clayons de bois recouverts de denim broyé — H. 150 x L.700 x P. 140 cm. Petites barques : poudre de pierre pigmentée sur tarlatane — L. de 3 à 35 cm.
Entre l’icône et l’index
[…] « Voilà bien une barque, voilà bien de petits navires disposés au sol comme autant de vaguelettes sur la mer. Mais en même temps, et d’une voix aussi forte, un message performatif. Voici le résultat de milliers de gestes, répétés patiemment, les uns après les autres, contribuant tous à l’effet final, mais parfaitement sensibles comme autant de micro-structures en dialogue avec la grande structure qu’est la barque et ne contribuant pas peu à lui donner son échelle colossale dans la mémoire, quand on ne l’a plus sous les yeux.
Michelle Héon nous fait comprendre quelque chose d’essentiel. Cette action qu’est aussi l’œuvre d’art est une série d’actions répétées, avec quelques variantes peut-être, mais essentiellement semblables à elles-mêmes. Comme les tracés de Pnina Gagnon poursuivant ses ombres, les déchiquetages de tissus de Michelle Héon, le trempage des armatures de bois de la barque, morceau par morceau dans le bac où les tissus se transforment en pâte, les pliages sont autant de gestes répétés, un peu comme cette pluie régulière et penchée que traçait les pinceaux de Cézanne, qu’il peignit des pommes ou sa bonne assise sur un tabouret. À cette étape de sa fabrication, à ce niveau des premiers gestes, il n’est pas encore question de configuration ou de représentation. L’œuvre n’est pas encore sous l’emprise des visions de l’esprit. Elle est trace d’une activité, elle est témoin d’une présence, celle de l’artiste, elle est ce qui reste de son passage, elle est tout ce que l’on voudra, sauf une image, sauf une forme reconnaissable. Elle est l’effet d’un geste, comme la fumée est le signe du feu, sans lui ressembler, pas même en vertu de quelques conventions qui en feraient une sorte de symbole du tempérament de l’artiste. » […]
© François-Marc Gagnon 1992, historien et critique d’art, écrivain (1935-2019), professeur à l’Université de Montréal (1966-2000), extrait du catalogue Entre l’icône et l’index, Musée régional de la Côte-Nord, Sept-Îles, Québec, Canada.
1] Performing an appearance : on the surface of Abstract Expressionism, dans M. Auping et coll., Abstract Expressionism, The Critical Developments, New York, Harry N. Abrahams, Inc. et Albright-Knox Art Gallery, 1987, p. 94 et suiv.