Barque 1995

Espace des Arts, Colomiers, France — Structure en tiges de métal et bois recouverte de denim broyé — Le dispositif d’éclairage produit la réflection d’eau en mouvement sur la voûte — Sol recouvert de sable — H.185 x L. 800 x P. 175 cm.    

Le bateau indispensable

[…] « À l’époque moderne, l’évolution du bateau en engin mécanique, depuis le bateau à vapeur jusqu’au sous-marin nucléaire, a transformé celui-ci en un symbole de modernité, un idéal de progrès humain et de triomphe historique sur la Nature.

En même temps, le bateau a toujours été comparable à un vaisseau de mémoire offrant à l’homme un aspect particulier et flottant, un espace indéterminé de réflexions historiques. Ces réflexions sont, comme l’a prouvé l’histoire, les conditions indispensables de survie de l’homme au cours des temps. C’est pourquoi il n’est pas surprenant que les discours, les descriptions, les récits, aussi bien textuels que visuels, soient nés presqu’au même moment que l’invention du bateau. Autrement dit, une histoire de l’art liée à l’image du bateau est presque aussi ancienne que celle du bateau elle-même, et évolue avec le progrès de l’industrie navale.  […] alors utiliser l’image du bateau et reconsidérer sa signification symbolique et métaphorique devient, dans un sens, nécessaire. Ceci pour dire qu’avoir recours à l’image du bateau et ré-interpréter sa définition relève encore, par nécessité, d’une signification et d’un aspect pertinent dans l’art contemporain. Michelle Héon, en tant qu’artiste contemporaine, témoigne de façon convaincante de cet aspect à travers son travail.

Il n’est pas difficile de comprendre ceci à travers son installation ; Michelle Héon nous montre essentiellement des images ou des situations de bateaux pris comme symboles de survie avant qu’ils ne soient condamnés à sombrer dans les profondeurs insondables de l’océan. Naturellement, regarder et toucher (son travail invite toujours à la participation des spectateurs) la couleur bleue, à la fois belle et poétique et qui domine l’ensemble de son travail, peut nous faire ressentir une certaine odeur de nostalgie ici ou là. Cependant, les réflexions historiques, les idées métaphysiques sur la mémoire et, de façon plus importante, l’imagination d’issues possibles, remplacent immédiatement la nostalgie. La volonté du sublime l’a emporté sur la sensibilité privée et personnelle – l’artiste n’a jamais eu l’intention ni de se donner des limites, ou de limiter son expression en un refuge de mécontentements sentimentaux, ni même de réduire son travail en un soupir romantique. Au contraire, elle a ouvert un vaste espace de reconsidérations et posé des questions imminentes se rapportant à notre vie quotidienne et à l’Historicité, si celle-ci existe réellement. » […]

© Hou Hanru 1995, extrait du catalogue de l’exposition Michelle Héon Installation, Espace des arts, Colomiers, France.